Les défis économiques et logistiques qui secouent l’éolien en Europe en 2023

Le solaire et l’éolien sont les principaux piliers de la transition énergétique européenne. Pourtant, à l’heure où il faut mettre les bouchées doubles pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables, l’éolien est en pleine crise. À l’instar des autres secteurs, il subit de plein fouet l’inflation ainsi que des problèmes logistiques, freinant les ambitions en matière de transition énergétique. 

Le secteur de l’éolien en crise

Avec le contexte économique inflationniste actuel, presque tous les secteurs d’activités sont mis à mal, l’éolien y compris. 

Les objectifs de l’éolien en 2030

L’objectif premier des pays européens est de verdir leurs sources d’énergie. Ceci non seulement pour lutter contre le changement climatique, mais aussi pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Après l’invasion de l’Ukraine, nécessitant la prise de sanctions contre la Russie, les pays de l’UE ont fait le pari de réduire leur dépendance énergétique envers la 2ème puissance mondiale. Pour parvenir à leurs objectifs, ils comptent sur les énergies renouvelables. Les pays européens envisagent notamment de faire passer la capacité éolienne totale de l’UE de 190 GW à 480 GW d’ici 2030. 

Des fabricants dans le rouge

Actuellement dans le rouge, les constructeurs devraient se réjouir de ces objectifs. En effet, ils cumulent des pertes importantes ces dernières années. Récemment, c’est Siemens Gamesa, l’un des leaders du secteur, qui a fait l’actualité en annonçant une perte de 4 milliards d’euros pour l’année 2023. L’année dernière, c’est Vestas qui avait perdu 1,5 milliards d’euros. L’entreprise peine à se redresser depuis le début de l’année. La branche énergies renouvelables GE Vernova, quant à elle, a perdu 1,8 milliards d’euros et pourrait même être vendue dans les semaines qui arrivent. La conjoncture économique actuelle est responsable de cette situation. La directrice générale de Vattenfall, Anna Borg, a récemment confié à l’AFP que « les conditions sont extrêmement difficiles dans le secteur ».

Des projets suspendus

Pourtant, si urgents soient-il, de nombreux projets sont actuellement suspendus. Le groupe Vattenfall a par exemple annulé le projet de parc éolien offshore Norfolk Boreas au Royaume-Uni. En France, Shell a renoncé à un projet pilote d’éoliennes flottantes au large de Belle-Île-en-Mer. Il en est de même pour le projet Trollvind du norvégien Equinor. Certains appels d’offres britanniques n’ont même pas trouvé preneurs, celles-ci ne permettant pas d’entrevoir une quelconque rentabilité. De quoi ralentir les ambitions énergétiques de l’UE. La situation est la même aux Etats-Unis avec entre autres, l’exploitation d’une ferme offshore au large du Massachusetts par l’entreprise Iberdrola.  

L’éolien fragilisé par la conjoncture économique

La reprise des activités post-covid a engendré une inflation flagrante qu’il semble difficile de surmonter. Le secteur européen de l’éolien n’y échappe pas. 

La flambée des prix des matières premières

Le secteur de l’éolien est touché par l’inflation de A à Z. Le prix des matières premières a significativement augmenté. Le prix de l’acier notamment, utilisé pour les tours et les pales, ont grimpé en flèche. Il en est de même pour les autres composites des pales, du cuivre et des métaux rares nécessaires aux générateurs électriques. Cette flambée du prix des matières alarme les constructeurs, eu égard à son impact significatif sur leurs coûts de production. Les projets sont alors plus chers et plus difficiles à mettre en œuvre. L’augmentation des coûts est un passage obligé s’ils veulent rester rentables.

La hausse des taux d’intérêts

L’inflation est à l’origine d’une hausse importante des taux d’intérêts. Cette hausse, pourtant destinée à limiter l’inflation, impacte logiquement les investissements. Ainsi, pour la même somme empruntée, il faudra rembourser plus qu’avant. En effet, les infrastructures éoliennes nécessitent des investissements de départ importants, financés via des emprunts. Dans l’éolien onshore par exemple, le coût d’emprunt représente aujourd’hui entre 8-10 euros/MWh sur un prix de 60-65 euros, comme l’explique Michel Gioria, de France Renouvelables.

Augmentation du coût des projets

Selon France Renouvelables, le prix moyen d’une éolienne terrestre est passé de 2,4 millions d’euros en 2021 à 3,2 millions aujourd’hui. Avec la hausse des matières premières, des taux d’intérêts et des coûts de transport, les constructeurs sont obligés d’augmenter le coût de leurs projets. D’après un développeur de Vattenfall, interrogé lors de la mise en sursis du projet offshore Boreas Norfolk, les coûts globaux des projets ont augmenté d’environ 40% ces dernières années.  

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Difficultés logistiques et concurrence étrangère : l’éolien européen menacé

Outre l’inflation, les difficultés logistiques et la concurrence étrangère constituent également des obstacles au développement du secteur.

Des problèmes de qualité

En effet, la qualité des composants des éoliennes constitue l’un des obstacles qui pourrait empêcher la concrétisation des projets de l’Union Européenne. Les difficultés récemment rencontrées par Siemens Gamesa l’illustrent parfaitement, tant sur l’onshore que sur l’offshore. Selon un communiqué de l’entreprise, « un taux de défaillance significative accru » des composants d’éoliennes a été constaté. Ces problèmes de qualité concernent plus particulièrement les composants des pales, des rotors et des roulements. 

Problèmes dans la chaîne d’approvisionnement

Avec la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, les chaînes d’approvisionnement sont perturbées. Les éoliennes offshores sont par conséquent plus prisées. En effet, plus une éolienne est grande, plus elle est performante. En offshore, elle est jusqu’à six fois plus puissante qu’une éolienne fixée à terre. Les constructeurs ont donc décidé de fabriquer des éoliennes plus puissantes, tout en sachant que des problèmes logistiques risquent d’entraver leurs projets, de l’usine au transport. Des navires spécialisés sont en effet nécessaires pour les transporter, tout comme la mise à disposition d’infrastructures portuaires adaptées.

La concurrence menace les fabricants européens

Outre l’inflation, la qualité des composants et les problèmes logistiques, les constructeurs européens doivent également faire face à la concurrence chinoise. Celle-ci est d’ailleurs bien présente sur le marché européen de l’éolien. C’est une entreprise chinoise qui a fourni le premier parc éolien en Italie en 2022. La Chine pourrait même profiter des difficultés des fabricants européens pour mieux pénétrer le marché. Les éoliennes fabriquées en Chine sont moins chères que les européennes, même en y ajoutant les coûts de transport. Enfin, il faut admettre que les entreprises chinoises sont plus avancées. MingYang et Goldwind proposent déjà des modèles de 16 MW, dont la largeur totale des pales équivaut à trois terrains de foot. 

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